Cette étude d’une équipe de l’University of Wisconsin confirme que les communautés microbiennes associées aux plaies chroniques courantes chez les patients diabétiques ont une incidence considérable sur leur cicatrisation ou le risque d’amputation. Les chercheurs qui publient dans la revue Cell Host & Microbe révèlent notamment que la présence de certaines souches de Staphylococcus aureus est une caractéristique exclusive des ulcères du pied diabétique qui ne se cicatriseront jamais, suggérant que ces souches pourraient littéralement bloquer la guérison.
Un quart des patients diabétiques développent un ulcère du pied, car l'hyperglycémie entraîne un engourdissement qui rend ces plaies souvent silencieuses et réduit la circulation, ce qui allonge les délais de cicatrisation. Ces plaies peuvent ainsi mettre des mois, voire des années à cicatriser et restent, en dépit des progrès des soins et des dispositifs de pansements, la principale cause d'amputation chez les patients diabétiques. En cas d’amputation, les taux de mortalité dépassent 70%. Plus récemment, les scientifiques se sont intéressés au rôle joué par la colonisation bactérienne de ces plaies, dans la cicatrisation, son retard ou son absence à long terme.
Utiliser le microbiome pour prédire les résultats de cicatrisation
L’auteur principal, le Dr Lindsay Kalan, professeur de microbiologie médicale et d'immunologie avec des collègues de l'Université de Pennsylvanie a utilisé le séquençage de l’ADN, pour identifier en haute résolution les espèces ou sous-espèces spécifiques qui pourraient être essentielles pour comprendre l’influence des communautés microbiennes sur la cicatrisation. Les chercheurs ont recueilli ces données à partir des microbiomes des ulcères de 46 patients, juste avant le débridement de leurs plaies. Puis les chercheurs ont collecté de nouveaux échantillons microbiens toutes les 2 semaines pendant 26 semaines tout en suivant l'évolution des ulcères. Ils constatent ici que plusieurs souches bactériennes couramment retrouvées sur ce type de plaies peuvent soit altérer, soit améliorer ou accélérer le processus de cicatrisation.
- La bactérie S. aureus est retrouvée dans la grande majorité de ces plaies ; bien connu pour sa résistance aux antibiotiques, S. aureus est un agent pathogène commun et souvent difficile à traiter. Si, au niveau de l’espèce, la présence de S. aureus ne permet pas de savoir si une plaie va cicatriser ou non, les chercheurs ont découvert que certaines souches ne résident que dans des plaies qui ne cicatrisaient pas : « Lorsque nous avons examiné le génome de ces souches, nous avons constaté qu'elles étaient enrichies en facteurs de virulence (entérotoxines) et qu’elles portaient davantage de gènes de résistance aux antibiotiques. Elles étaient donc mieux équipées pour provoquer une infection plus invasive ».
- Le suivi de l’évolution de la communauté microbienne en réponse au traitement permet de confirmer que les antibiotiques améliorent rarement les résultats de l'ulcère ;
- en revanche, le débridement qui réduit la diversité des bactéries qui colonisent les plaies d'ulcères en voie de cicatrisation est bien sûr confirmé comme une étape essentielle dans le soin d’ulcère ;
Le rôle clé du microbiome de la plaie, une preuve in vivo : pour mieux comprendre comment les microbiomes pourraient affecter directement la cicatrisation des plaies, les chercheurs ont recréé des communautés microbiennes chez des modèles murins d'ulcères diabétiques. Ils ont transféré des souches bactériennes isolées de patients humains dans des ulcères de souris puis ont surveillé l’évolution des plaies. Les souches de S. aureus qui se trouvaient exclusivement dans les ulcères non cicatrisants entraînent à nouveau de mauvais résultats cliniques. En revanche, la présence de bactéries de type Alcaligenes faecalis permet de réduire la dégradation de l’ulcère et les plaies infectées par la bactérie cicatrisent presque aussi rapidement que des plaies non infectées. A. Faecalis semble stimuler une inflammation bénéfique de la peau lésée qui limite les effets néfastes de bactéries plus nocives.
Dans l’ensemble, l’étude suggère que la surveillance et l’analyse des microbiomes des ulcères du pied diabétique pourrait apporter aux médecins et aux soignants des données précieuses sur le protocole de soins à adopter pour ces plaies chroniques et débilitantes.
« Nous avons maintenant des preuves qui suggèrent que nous pouvons utiliser le microbiome pour prédire les résultats de cicatrisation de ces plaies et pour tester de nouveaux traitements. Notre objectif ultime reste de raccourcir les délais de cicatrisation et de prévenir l'amputation ».
Source : Cell Host & Microbe 2019 DOI : 10.1016/j.chom.2019.03.006 Strain- and Species-Level Variation in the Microbiome of Diabetic Wounds Is Associated with Clinical Outcomes and Therapeutic Efficacy
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