En effet, avec le COVID-19 et ses mesures de prévention, la question se repose, celle de la légitimité de « l’hypothèse de l’hygiène » qui consiste à ne pas trop préserver les nouveau-nés et les enfants des allergènes ou pathogènes, ce qui pourrait affaiblir leur système immunitaire et renforcer leur risque d'allergies, plus tard dans la vie. Cette large méta-analyse menée par une équipe de virologues de l’University College London (UCL) et de la London School of Hygiene & Tropical Medicine et publiée dans le Journal of Allergy and Clinical Immunology, montre « qu’être propre et adopter un mode de vie hygiénique au sein du foyer ne nuit pas à l'immunité de l'enfant ».
L’auteur principal, Graham Rook, professeur de microbiologie médicale à l’UCL rappelle ce principe : « L'exposition aux micro-organismes au début de la vie est essentielle pour « l'éducation » des systèmes immunitaire et métabolique ». Cependant, depuis une vingtaine d’années, circule une idée générale selon laquelle les pratiques d'hygiène domestiques et personnelles, qui sont essentielles pour arrêter l'exposition aux agents pathogènes pourraient également bloquer l'exposition aux organismes bénéfiques.
Mais l’expert délivre aussi les implications toutes pratiques de cette analyse : « Nettoyer la maison et maintenir une bonne hygiène personnelle sont des comportements positifs, mais ces mesures d’hygiène et d’asepsie doivent être tout particulièrement concentrées ciblé sur les mains et les surfaces de contact les plus à risque de contamination. En ciblant nos pratiques de nettoyage, nous limitons l'exposition directe des enfants aux agents de nettoyage. Ensuite, la seule exposition des enfants à leur mère, aux membres de la famille, à l'environnement naturel et aux vaccins fournit tous les apports microbiens et dont ils ont besoin. Et ces expositions ne sont pas en conflit avec une hygiène ou un nettoyage intelligemment ciblés ».
Le bon sens l’emporte ainsi sur une théorie selon laquelle la société moderne est trop propre,
et le système immunitaire des enfants a donc matière à se développer, suffisamment pour protéger contre les maladies allergiques. La méta-analyse identifie ainsi 4 raisons importantes qui, disent-ils, réfutent cette théorie et concluent que nous ne sommes pas « trop propres pour un bonne immunité » :
- les micro-organismes trouvés dans une maison « moderne » ne sont pas, dans une large mesure, ceux dont nous avons besoin pour notre immunité ;
- les vaccins, en plus de nous protéger de l'infection qu'ils ciblent, renforcent considérablement notre système immunitaire et nous n'avons pas besoin de d’exposition à de nombreux agents pathogènes-qui peuvent même entraîner la mort ;
- nous avons maintenant des preuves concrètes que les micro-organismes de l'environnement vert naturel sont particulièrement importants pour notre santé ; le nettoyage et l'hygiène domestiques n'ont aucune incidence sur notre exposition à l'environnement naturel ;
- des recherches récentes suggèrent que les associations identifiées entre l’hygiène et des problèmes de santé tels que les allergies, ne sont pas causées par l'élimination d'organismes, mais plutôt par l'exposition des poumons aux produits de nettoyage qui favorise le développement de réactions allergiques.
La confrontation aux pathogènes est nécessaire toute la vie : les organismes qui peuplent nos intestins, notre peau et nos voies respiratoires, ou nos différents microbiomes intestinal, cutané et pulmonaire, jouent également un rôle important dans le maintien de notre santé jusqu'à un âge avancé : ainsi, tout au long de la vie, nous avons besoin d'une exposition à ces micro-organismes bénéfiques, provenant principalement de nos mères, d'autres personnes et de l'environnement naturel.
Réconcilier le conflit apparent entre le besoin de nettoyage et d'hygiène pour nous garder à l'abri des agents pathogènes, et le besoin d'apports microbiens pour peupler nos intestins et mettre en place nos systèmes immunitaire et métabolique.
Source: The Journal of Allergy and Clinical Immunology July 01, 2021 DOI : 10.1016/j.jaci.2021.05.008 Microbial exposures that establish immunoregulation are compatible with targeted hygiene
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