Cette étude de l’Université d’Édimbourg est la toute première à démontrer que les cellules fongiques peuvent développer une résistance aux médicaments en modifiant la façon dont leur ADN est emballé, mais sans modifier leur séquence ADN. En d’autres termes, la résistance peut émerger, ici chez les champignons en raison de seules altérations épigénétiques et sans mutation génétique. Ces travaux, présentés dans la revue nature, pourraient révolutionner notre compréhension de la résistance aux médicaments ainsi que nos techniques de diagnostic actuelles qui reposent sur le séquençage de tout l'ADN pour identifier les mutations responsables.
Chaque année, rappellent les chercheurs, les maladies fongiques affectent des milliards de personnes dans le monde, entraînant environ 1,6 million de décès. Or c’est toute la gestion des infections fongiques à la fois chez les humains et chez les plantes qui pourrait être transformée par ces nouvelles données. Alors qu’on pensait auparavant que seules des mutations dans l'ADN d'un champignon (ou d’une bactérie) peuvent entraînent une résistance aux médicaments antifongiques (antibiotiques), cette équipe écossaise montre que les champignons peuvent développer une résistance aux médicaments sans modifier leur code génétique ou ADN.
Les champignons peuvent présenter des changements épigénétiques
ou des altérations qui n'affectent pas leur ADN et qui favorisent leur résistance aux antifongiques. Cette conclusion suggère que de très nombreux cas de résistance aux antifongiques ont pu être ignorés auparavant, contribue à expliquer aussi la prévalence croissante de ces infections qui sont, tout comme les infections bactériennes antibiorésistantes, un problème croissant, en particulier chez les patients dont le système immunitaire est affaibli. Aujourd’hui, ajoutent les chercheurs, il existe peu de médicaments antifongiques efficaces.
L'émergence d'une résistance chez une levure, Schizosaccharomyces pombe est le cas d’école ici traité. Cette levure a été traitée avec de la caféine pour imiter l'activité des médicaments antifongiques. L'équipe constate que la levure devenue résistante présente des altérations chimiques spécifiques qui affectent l'organisation de l’ADN. Certains gènes se sont regroupés dans des structures appelées hétérochromatine, qui font taire ou inactivent les gènes sous-jacents. Et ce changement épigénétique induit lui-même une résistance.
Cette découverte modifie le paradigme de gestion des résistances et ouvre la voie à de nouvelles thérapies pour traiter ces infections en développant de nouveaux médicaments qui interfèrent avec l'hétérochromatine fongique.
Les implications à court terme sont multiples pour les plantes, les animaux et les humains en regard du nombre très limité de traitements antifongiques disponibles et efficaces.
Source: Nature 09 September 2020 DOI : 10.1038/s41586-020-2706-x Epigenetic gene silencing by heterochromatin primes fungal resistance