Aujourd’hui, la radiothérapie est le traitement utilisé chez 70 % des patients atteints de cancer. Elle est souvent associée à la chirurgie ou à la chimiothérapie. Les radiothérapeutes disposent de nombreuses techniques leur permettant d’adapter la thérapie aux spécificités de chaque tumeur. Cependant, la radiothérapie peut entraîner des effets secondaires cutanés, les radiodermites.
Les rayons X, découverts par le physicien allemand Conrad Röntgen en 1895, ont très rapidement été mis à profit dans une démarche diagnostique : la radiographie et radioscopie. En 1898, Pierre et Marie Curie découvrent les propriétés du radium et du polonium et les découvertes et applications médicales se succèdent rapidement. Les propriétés des rayons, capables de détruire les tissus malades, sont exploitées à des fins thérapeutiques : c'est la radiothérapie. Marie Curie est en effet convaincue dès le début du 20ème siècle, que les rayons peuvent soigner le cancer. Pour ce faire, il est nécessaire de réunir sur un même site, un hôpital et des chercheurs. De cette initiative est né l'Institut Curie à Paris. Les traitements avec des radioéléments (radium, radon) restent cependant limités en raison de difficultés majeures (rareté, manipulation, conditionnement). En 1934, Irène et Fréderic Joliot-Curie découvrent la radioactivité artificielle qui va permettre la réalisation et le développement de traitements plus adaptés, moins couteux, offrant une meilleure pénétration des rayons, et permettant de préserver davantage les tissus sains. A la fin des années 60, l'apparition des accélérateurs linéaires de particules, beaucoup plus fins et précis, permet d'optimiser encore les traitements. Cependant, en irradiant, on peut altérer des cellules saines situées à proximité, ce qui peut entraîner des lésions cutanées et d'autres effets secondaires. Parmi ces effets, les radiodermites.
La radiodermite est une réaction inflammatoire cutanée due à une exposition à des rayonnements ionisants. Cet effet secondaire a été décrit précocement par Henri Becquerel qui avait remarqué qu'un tube contenant de la matière radioactive oublié dans une poche de veste lui avait causé un érythème semblable à un coup de soleil. Les premiers radiologues, tel que le Dr Charles Vaillant (Hôpital Lariboisière) en 1900 développèrent des radiodermites qui évoluèrent jusqu'à l'amputation en raison d'expositions répétées, sans protection. D'ailleurs, jusqu'en 1930, les doses de radiothérapie étaient d'ailleurs déterminées par référence à l'érythème cutané.
Aujourd'hui, les radiodermites se divisent en deux grandes catégories :
· Les radiodermites aiguës qui apparaissent pendant la radiothérapie (milieu, fin, suite immédiate de traitement). Ce sont les réactions les plus fréquentes, dont l'intensité régresse spontanément après l'arrêt des traitements. Elles font l'objet d'une classification de 0 à 5.
– Le grade 1 (érythème léger ou desquamation sèche) est banal et le plus fréquent.
– Le grade 2 (érythème folliculaire ou modéré ; ou desquamation suintante surtout au niveau des plis cutanés, non confluente; œdème modéré) nécessite des soins locaux adaptés.
– Le grade 3 (desquamation suintante confluente ailleurs qu'au niveau des plis cutanés, saignement de contact) peut justifier une interruption de la radiothérapie et est plus souvent observé lors de traitements combinant radiothérapie et chimiothérapie.
– Les grades 4 (ulcération, nécrose, hémorragie spontanée) et 5 (décès) sont fort heureusement exceptionnels et accidentels.
Les actions de prévention et soins locaux ont pour objectif d'éviter que l'érythème n'évolue vers un grade 2 et 3.
· Les radiodermites chroniques ou « effets tardifs de la radiothérapie » apparaissent longtemps après la radiothérapie, jusqu'à plusieurs dizaines d'années après. La fibrose provoquée par la radiothérapie peut évoluer lentement jusqu'à la rupture cutanée, avec apparition d'une radionécrose (ou ostéoradionécrose). Les signes précurseurs de cette évolution sont une peau fine, fragile, avec une éventuelle modification de la pigmentation et des télangiectasies. Cet effet secondaire est le plus souvent la conséquence d'un traitement au Cobalt. Il est donc plus fréquemment observé chez des personnes âgées et tend à disparaître avec l'évolution des techniques de radiothérapie. Contrairement aux radiodermites aiguës, les radionécroses sont des plaies chroniques qui s'améliorent difficilement (ou de façon temporaire) en cicatrisation dirigée et sont susceptibles de s'infecter en raison d'une très mauvaise vascularisation.
Si la radiothérapie peut entraîner des effets secondaires cutanés, elle est aujourd'hui un traitement efficace et bien toléré du cancer, tant en curatif qu'en palliatif, pour soigner et soulager les patients. Les radiodermites ne doivent donc pas être craintes par les patients, mais expliquées et prévenues tant que possible, afin que la délivrance des rayons se déroule dans des conditions optimales et non interrompue. Cela justifie une collaboration étroite entre l'équipe soignante et les radiothérapeutes.
Newsletter Plaies et Cicatrisation, réalisée en partenariat avec Paul Hartmann
Auteur: Isabelle Fromantin, Infirmière experte Plaies et Cicatrisation-Institut Curie (Vignette@ Eric Bouvet / Institut Curie, visuel Paul Hartmann)