La radionécrose correspond à une atteinte tissulaire mais aussi à une altération de la vascularisation, réduisant ainsi les capacités de cicatrisation locale. Il est donc capital d’éviter que la peau s’ulcère sur la zone fragilisée, anciennement irradiée.
Pour ce faire, si le patient présente des signes cliniques évocateurs (télangiectasies, « sein de pierre », atrophie cutanée), il doit utiliser des savons non corrosifs et hydrater quotidiennement sa peau avec un émollient.
· Si le risque d'ulcération semble très élevé (présence d'exostoses sous-cutanées, habitudes de vie) une mousse hydrocellulaire non adhésive ou un pansement hydrogel peuvent être appliqués pour exercer une fonction « pare-chocs » (ex : HydroTac®) et / ou une fonction d'hydratation (HydroTac® transparent). Le coût relativement élevé de ces mesures préventives impose de bien choisir leurs indications.
· Lorsque la peau est ulcérée, une biopsie est recommandée pour écarter le diagnostic de récidive ou de cancer radio-induit. L'indication est cependant parfois discutée, car une simple biopsie punch peut aggraver rapidement la situation locale, comme tout autre traumatisme. Les soins locaux sont débutés dans l'attente d'une éventuelle chirurgie (faisabilité à évaluer en fonction du contexte global), en complément souvent de traitements médicaux (renutrition, traitement adapté des pathologies associées…)
Les radionécroses ulcérées ont des présentations cliniques variées, qui diffèrent des autres plaies chroniques :
– le lit de la plaie peut être jaune, sans pour autant qu'il s'agisse de fibrine ou de nécrose, mais de fibrose, dure et difficile à retirer, même mécaniquement. Dans ce cas, les bénéfices d'une détersion sont discutables puisque la surface et l'épaisseur des tissus abîmés sont généralement bien supérieures à la surface de la plaie. Il serait donc illusoire de retirer l'ensemble de la fibrose lors des soins ou d'espérer une amélioration avec des hydrogels ou irrigo-absorbants.
– des calcifications ou exostoses peuvent sortir de la plaie et/ou l'obstruer. Des patients décrivent la sortie « d'un morceau d'os, comme une pépite » d'une petite plaie sur une zone anciennement irradiée. Elles peuvent être retirées ou arasées si elles sont mobiles et/ou si cela permet de réduire la taille de la plaie ou de limiter le risque infectieux. Bien souvent, d'autres exostoses gagnent la surface de la plaie si une d'entre elles a été retirée.
– La fibrose des tissus peut favoriser la formation de petits abcès sous-cutanés qui s'écoulent le plus souvent par la plaie ou les pertuis. Dans ce cas, les odeurs sont plus fortes et les pansements souillés par des écoulements inconstants. Il est alors nécessaire, pendant le soin, de masser (avec insistance) la périphérie de la plaie afin de chercher à évacuer ces petites collections qui majorent le risque infectieux.
Il s'agit de plaies chroniques. Le nettoyage est donc réalisé à l'eau (douche) ou au sérum physiologique. Les antimicrobiens sont relativement inefficaces car n'agissent qu'en surface. Ils peuvent cependant être prescrits sur de courtes périodes (8 à 10j) en cas d'apparition de premiers signes infectieux (ex : inflammation, majoration des écoulements). En cas d'infection avérée, un avis médical s'impose, d'autant plus que ces plaies mal vascularisées réduisent parfois l'efficacité des antibiotiques.
Les pansements sont choisis selon les symptômes de la plaie et notamment en fonction de l'intensité des écoulements et des odeurs. Le plus souvent sont appliqués des pansements drainants / absorbants type hydrocellulaire (ex : Hydrotac®), alginate ou fibres de CMC recouverts de compresses ou compresses absorbantes (ex : Zetuvit®, Zetuvit® Plus). Dans tous les cas, les adhésifs sont évités tant que possible, au profit de fixations non adhésives (bande, slip filet, jersey) ou de pansement adhérents non adhésifs. En effet, la peau péri-lésionnelle est trop fragile pour supporter des fixations adhésives sur une très longue période.
Le choix du protocole de soin dépend des symptômes de la plaie, de sa stabilité, de son site, mais aussi des souhaits des patients en termes de suivi, fréquence des soins et toilette. Puisque ces plaies sont le plus souvent de petites tailles et ne cicatriseront pas, le patient peut souhaiter réaliser ses soins lui-même si sa dextérité le lui permet et que la plaie est stable. Cela suggère un contrôle régulier par des soignants/médecins et une éducation aux soins. Dans d'autres cas (en fonction du contexte médico-socio-environnemental), des soins infirmiers à domicile sont davantage indiqués, en privilégiant des pansements absorbants afin de pouvoir les espacer dans le temps.
L'incidence de ces plaies particulières, déjà basse, tend à diminuer grâce aux progrès de la radiothérapie (indications, fractionnement, modalités, traitements associés). Les soins locaux permettent, en absence de traitements curatifs, de maintenir une stabilité (parfois précaire) de la plaie (pour limiter le risque infectieux ou des désagréments liés aux odeurs, entre autres) ; et ainsi de préserver la qualité de vie des patients.
Newsletter Plaies et Cicatrisation, réalisée en partenariat avec Paul Hartmann
Auteur: Isabelle Fromantin, Infirmière experte Plaies et Cicatrisation-Institut Curie Institut