Cette équipe de la Rice University montre avec cette recherche présentée dans les Actes de l‘Académie des Sciences américaine (PNAS) que telle une nuée d'oiseaux, les cellules épithéliales vont coordonner leurs mouvements de la berge vers le lit de la plaie pour couvrir puis guérir les lésions cutanées. Conjuguant physique et biologie, ils développent un modèle de motilité au plus près du processus de cicatrisation.
Les chercheurs pensaient que seules les cellules sur le bord de la plaie se déplaçaient activement tandis que la division de cellules presque passives contribuait à « remplir » le lit de la plaie. Mais ce n'était qu'une partie de l'histoire. Herbert Levine, physicien à la Rice University et ses collègues ont découvert que le processus de cicatrisation est bien plus efficace et que les cellules des berges vont entraîner avec elles les cellules voisines.
Comprendre comment les cellules coopèrent pour protéger le site d'une plaie dans les heures et les jours qui suivent la blessure ou la lésion : Herbert Levine a ainsi développé le premier modèle informatique capable d'analyser en 2D la physique des couches épithéliales, en combinant des données expérimentales avec des notions générales de physique pour créer une approche intégrée du système et de la motilité multicellulaire. L'objectif était de mieux comprendre le processus de cicatrisation, en particulier, après une étude récente de Harvard qui montrait que même au milieu d'une couche épithéliale, les cellules créent des groupes de tête ou en queue et se déplacent activement et de manière plutôt organisée.
Le corps mobilise une gamme étonnante de forces pour panser ses plaies : Beaucoup de ces recours sont liés à la biologie cellulaire et à ses signaux internes et externes qui vont indiquer aux cellules quand passer, quand s'arrêter, quand se dédoubler et quand mourir. Mais l'équipe s'est d'abord concentrée sur les interactions physiques de la cellule avec les cellules voisines et sur ce qui se passe lorsqu'on supprime tout facteur de complication biologique. En synthèse, il s'agissait de démêler ce qui est lié à la physique de ce qui est lié à la biologie et d'identifier les étapes du processus qui n'ont pas besoin de signalisation biologique.
Dans l'approche « physique » de la motilité cellulaire, l'idée est de regarder dans quelle mesure toutes les cellules suivent les mêmes règles et d'identifier lesquelles. Ensuite, identifier ce qui va créer la dynamique du système et comment les cellules interagissent les unes avec les autres. Prenant « l'exemple des oiseaux », l'équipe de chercheurs a émis l'hypothèse du flocage, une toute nouvelle hypothèse quand il s'agit de l'appliquer au tissu épithélial dans la cicatrisation des plaies. Dans cette hypothèse, les cellules perçoivent les cellules voisines collantes, qui les tirent alors qu'elles se déplacent sur des lamellipodes, des sortes de membranes minces qui, en chevauchant les cellules adjacentes s'influencent mutuellement. Les cellules doivent comprendre dans quelle direction aller en fonction de leur propre tendance à se propulser en avant et en fonction de la tendance des cellules voisines tentant de les tirer dans des directions différentes. Au bout d'un moment –comme chez les oiseaux- ces tendances deviennent corrélées et créent un mouvement général coordonné. Les cellules laissées « de côté » par une colonie ont tendance à tourbillonner de façon désordonnée, mais dans le cas d'une plaie, les tourbillons disparaissent et les cellules se dirigent vers une direction commune et à une même vitesse ! Les cellules des berges de la plaie semblent savoir immédiatement où aller, et les autres cellules suivent l'exemple.
Les chercheurs souhaitent maintenant tenter d'appliquer ce modèle à la motilité des cellules liées à la dissémination métastatique du cancer du sein.
Source: PNAS doi: 10.1073/pnas.1219937110 January 23, 2013 201219937 Alignment of cellular motility forces with tissue flow as a mechanism for efficient wound healing (Vignette cellules épithéliales NIH)
et Nature Physics doi:10.1038/nphys1269 Physical forces during collective cell migration