L’émergence de bactéries résistantes aux antibiotiques passe aussi par l’animal. Des bactéries résistantes issues d’élevages peuvent se transmettre à l'Homme directement ou via la chaine alimentaire. L’Homme, l’animal et leur environnement forment ainsi un tout indissociable dans la lutte contre l’émergence des antibiorésistances. Ce second rapport de l’Anses qui « s’attaque » aux modes d’utilisation des antibiotiques en santé animale montre une France bien placée en matière de surveillance, mais dont les outils, avec la mondialisation, devront encore intégrer les données liées aux animaux vivants et produits en provenance d’autres pays.
La diffusion de l'antibiorésistance de l'animal à l'Homme : L'ex-Anses, AFSSA avait décrit en 2006, dans son rapport « Usages vétérinaires des antibiotiques, résistance bactérienne et conséquences pour la santé humaine », les mécanismes de la résistance bactérienne qui peut faire suite à l'usage d'antibiotiques chez l'animal, ainsi que les mécanismes de diffusion de cette antibiorésistance aux bactéries en médecine humaine. Des facteurs ont été désignés comme à prendre en compte dans l'évaluation de la transmission entre l'animal et l'homme, que ce soit par contact direct ou indirect ou par consommation de produits d'origine animale. Les modalités de nettoyage et désinfection des locaux, les fréquences de relations avec le monde extérieur à l'élevage (visiteurs, livraisons, soins vétérinaires) et le respect des règles de biosécurité définies et appliquées au sein de l'élevage peuvent influer sur la diffusion des « clones » bactériens et des variations génétiques entre les animaux et les hommes.
Dans ce nouveau rapport, le risque pour la santé humaine a été pris en compte, tout comme celui pour la santé animale, dans ses différents aspects, y compris pour les antibiotiques communs à l'homme et aux animaux. Dans cet esprit, l'usage des céphalosporines de dernières générations et des fluoroquinolones devrait être réservé, dans ces recommandations à des indications bien particulières.
Le Plan national d'alerte sur les antibiotiques 2011-2016, lancé en novembre 2011 par le Ministère de l'agriculture, vise à réduire ce risque et à préserver l'efficacité des antibiotiques. Il vise donc déjà à diminuer la contribution des antibiotiques utilisés à la résistance bactérienne et à préserver durablement l'arsenal thérapeutique en médecine vétérinaire.
Globalement, ce plan vise une réduction en 5 ans de 25% de l'usage des antibiotiques vétérinaires, en développant les autres alternatives thérapeutiques.
L'abandon des antibiotiques en prévention vétérinaire : Le développement de la résistance aux antibiotiques peut aggraver le pronostic de certaines maladies infectieuses, avec des conséquences importantes sur la santé humaine. L'Anses a donc conduit cette évaluation des risques d'émergence d'antibiorésistances liés aux modes d'utilisation des antibiotiques dans le domaine vétérinaire, filière par filière, avec l'objectif de préciser les mesures de prévention à mettre en place pour chaque filière ou espèce animale.
· En premier lieu, ces recommandations vont vers l'abandon de l'usage des antibiotiques en prévention : Les experts soulignent que lors d'un traitement préventif, le risque d'induire de la résistance chez les bactéries est présent chez tous les animaux traités alors que le bénéfice thérapeutique n'est que suspecté. Cependant, toujours pour les experts, le traitement métaphylactique, bien adapté aux animaux élevés en groupes, représente une modalité plus pertinente, dans la mesure où il peut améliorer le rapport bénéfice/risque par rapport au traitement préventif, à condition que soient précisées ses modalités d'application.
· vers une utilisation circonstanciée des antibiotiques de dernière génération à des situations bien identifiées : Il s'agit de réserver l'usage de ces antibiotiques (céphalosporines et fluoroquinolones de 3ème et 4ème générations), à des situations particulières strictement encadrées et à privilégier l'usage des antibiotiques à spectre étroit, au ciblage de bactéries précises.
Si la France est même en avance dans la mise en place d'outils de surveillance, avec un dispositif de suivi des ventes développé 10 ans avant la mise en œuvre du suivi européen, cet outil doit encore s'approcher au plus près de la spécificité de chaque espèce animale ou de chaque production et intégrer non seulement l'évolution des connaissances scientifiques, mais aussi les données portant sur les animaux vivants et produits en provenance des autres pays. Ces outils de surveillance doivent donc encore évoluer, avec la définition d'indicateurs permettant d'utiliser les antibiotiques de façon toujours plus ciblée.
Pour en savoir plus sur l'Antibiorésistance